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PORHYRE

 

L'antre des Nymphes

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

texte grec

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L’ANTRE DES NYMPHES

DE

PORPHYRE

[1] Ce qu'Homère veut faire entendre par l'antre d'Ithaque qu'il décrit en ces vers :

A la tête du port se dresse un olivier au» longues feuilles.

Tout à côté il y a un antre agréable et sombre

Consacré aux Nymphes que l’on nomme Naïades,

Au dedans sont des cratères et des amphores.

De pierre, ou les abeilles construisent leurs rayons;

Il y a aussi de très longs métiers de pierre, sur lesquels les Nymphes

Tissent des toiles teintes de pourpre merveilleuses à voir;

Là encore coulent des eaux continuelles; et il y a deux entrées:

L'une, au nord, laisse descendre les hommes;

L'autre, au midi, plus divine, et par elle

Les hommes n'entrent pas, mais c'est la route des immortels»»

[2] Ce n'est pas dans les récits des historiens qu'Homère a pris ce qu'il raconte; les auteurs qui ont décrit l'île en sont la preuve; car aucun d'eux n'a fait mention de l'antre, ainsi que le remarque Cronius. D'autre part, si l'antre était une action poétique, il serait invraisemblable qu'un poète ait espéré faire croire à l'aide d'une fable arbitraire et ourdie capricieusement qu'un mortel eût établi sur la terre d'Ithaque des routes pour les hommes et les dieux, ou qu'à défaut d'un mortel, la nature eût tracé un chemin par où descendraient tous les hommes et un antre par où monteraient tous les dieux. Car le monde entier est plein d'hommes et de dieux et nous ne sommes pas près de nous laisser persuader que dans l'antre d'Ithaque les hommes descendent et les dieux montent.

[3] Ayant fait ces remarques Cronius dit que non seulement pour les sages mais aussi pour la foule, il est bien évident que le poète s'exprime dans ces vers d'une façon allégorique et figurée, ce qui nous oblige à rechercher quelle est la porte des hommes et la porte des dieux et ce que signifie cet antre dit l'Antre des Nymphes avec sa double entrée, cet antre à la fois agréable et sombre, tandis que ce qui est sombre n'est d'ordinaire aucunement agréable mais plutôt effrayant. Pourquoi en outre Homère ne dit-il pas simplement : dédié aux Nymphes, mois par une attribution très précise, à celles que l’on nomme Naïades? Que signifient les cratères et les amphores où l’on ne dit pas qu'aucun breuvage soit versé, mais où les abeilles construisent leurs rayons comme dans des roches ? Puis ce sont les métiers très longs placés pour les Nymphes; mais pourquoi ne sont-ils pas faits de bois ou d'une autre matière, mais de pierre comme les amphores et les cratères ? Cela il est vrai est moins obscur que le reste ; mais sur des métiers de pierre les Nymphes tissent des toiles teintes de pourpre, ce qui n'est pas merveilleux seulement à voir, mais encore à entendre. Comment croire en effet que des déesses tissent des vêtements teints de pourpre dans un antre obscur sur des métiers de pierre, surtout lorsqu'on lit qu'on peut voir ces étoffes tissées par les déesses et la pourpre dont elles sont teintes. Ajoutez ce trait étonnant que l'antre a une double entrée, l’une pour la descente des hommes, l'autre pour l'ascension des dieux, et que l'entrée des hommes est tournée vers le nord et l'entrée des dieux vers le midi. La difficulté n'est pas petite de comprendre pour quelle raison Homère a assigné le nord aux hommes et le midi aux dieux et pourquoi il ne s'est pas plutôt servi du levant et du couchant ; car dans presque tous les temples les statues et les portes sont orientées au levant et ceux qui y pénètrent regardent le couchant, lorsque, face aux statues, ils apportent aux dieux leurs prières et leurs soins.

[4] Le récit d'Homère étant rempli de telles obscurités, il n'y faut pas voir une fable capricieusement imaginée pour divertir l'esprit et il ne contient pas davantage la description d'un lieu réel, mais c'est bien une allégorie du poète qui a placé mystiquement aussi un olivier près de là grotte. Découvrir et expliquer le sens de tous les traits allégoriques un récit parut une tâche malaisée aux anciens et à nous aussi qui après eux tentons l'interprétation. Aussi semble-t-il que ceux-là négligent la vérité géographique qui considèrent comme une pure fiction du poète l'antre et tout ce qui en est raconté. Les géographes les meilleurs et les plus exacts pensent autrement : Artémidore d'Éphèse écrit dans le cinquième livre de son œuvre divisée en onze livres : « En allant de Panorme, port de Céphalonie, vers le levant, à une distance de douze stades se troupe l’île d 'Ithaque, longue de quatre-vingt-cinq stades, étroite et élevée; elle a un port appelé Phorkyn et sur le rivage, il y a un antre consacré aux Nymphes où l'on rapporte que les Phéaeiens laissèrent Ulysse. » Ainsi tout n'aurait pas été inventé par Homère. Mais que son récit reproduise la réalité ou qu'il y ajoute quelques traits les mêmes questions subsistent pour celui qui recherche quel fut le dessein des hommes qui consacrèrent l'antre ou du poète qui l'aurait imaginé : car les anciens ne consacrèrent point de temples sans symboles mythiques et sur ce sujet Homère ne raconte rien au hasard. Plus on s'appliquera à montrer que tout ce qui se rapporte à l'antre n'a pas été imaginé par Homère et que l'antre ayant le poète était déjà dédié aux dieux, plus ce lieu sacré apparaîtra plein de la sagesse antique. C'est pourquoi il vaut la peine et il est nécessaire d'en expliquer la consécration symbolique.

[5] Les anciens consacraient avec raison les antres et les cavernes au monde pris dans sa totalité ou dans ses parties : c'était chez eux une croyance traditionnelle que la terre symbolise la matière dont le monde est fait; c'est pourquoi certains ont pensé que là aussi par la terre il fallait entendre la matière. Par les antres les anciens signifiaient le monde composé de manière; en effet, la plupart du temps les antres ont une existence spontanée, ils font corps avec la terre et sont pris dans une roche uniforme dont l'intérieur est creux et dont l'extérieur s'ouvre sur l'espace sans bornes de la terre. Le monde aussi est né spontanément, participant à la matière il est lié étroitement à celle-ci qui est désignée mystérieusement par la pierre et la roche parce qu'elle est brute et qu'elle résiste à la détermination; et parce qu'elle est informe on la regardait comme infinie. Mais comme elle est fluide et n'a pas la forme qui détermine les choses et les rend visibles, on a pris justement l'abondance des eaux et l'humidité des antres, leurs ténèbres et, comme dit le poète, leur obscurité pour symbole de tout ce qui est dans le monde à cause de la matière.

[6] C'est donc à cause de la matière que le monde y est obscur et ténébreux ; mais par la forme qui s'y ajoute et l'ordonne (c'est pour cela qu'on le nomme κόσμος) il devient beau et agréable. C'est avec raison que l'antre est appelé agréable, il est tel au premier abord parce qu'il participe aux formes, puis obscur si l'on réfléchit à ses profondeurs et si on y pénètre en esprit. Ainsi l'extérieur en est superficiellement agréable et l'intérieur et les profondeurs en sont obscurs. Pareillement, les Perses dans la cérémonie d'initiation au mystère de la descente des âmes et de leur régression donnent le nom de caverne au lieu où s'accomplit l'initiation. Selon Euboulos, Zoroastre le premier, sur les montagnes voisines de la Perse consacra en l'honneur de Mithra, créateur et père de toutes choses, un antre naturel, arrosé par des sources, couvert de fleurs et de feuillages. Cet antre représentait la forme du monde créé par Mithra et les choses qui y étaient disposées à des intervalles réguliers symbolisaient les éléments cosmiques et les climats. Après Zoroastre, l'usage persista d'accomplir les cérémonies de l'initiation dans des antres et des cavernes soit naturels soit creusés de main d'hommes. Car de même que l’on consacrait aux dieux olympiens des temples, des sanctuaires et des autels, des stèles aux dieux terrestres et aux héros, des fosses et des trous aux dieux souterrains ; de même on dédiait au monde des antres et des cavernes ainsi qu'aux Nymphes à cause des eaux qui tombent goutte à goutte et jaillissent dans les antres et auxquelles président les Naïades, comme nous le dirons bientôt.

[7] On ne considérait pas seulement l'antre comme un symbole du monde sensible, ainsi que je viens de le dire, mais aussi de toutes les forces cachées de la nature ; car les antres sont obscurs et l'essence de ces forces est mystérieuse. Et de même que Saturne s'aménage un antre dans l'Océan et y cache ses enfants, de même Cérès élève Proserpine dans un antre parmi des Nymphes. On trouverait beaucoup d'autres exemples analogues en parcourant les écrits des théologiens.

[8] Que les antres aient été dédiés aux Nymphes et particulièrement aux Naïades qui habitent près des sources et qui tirent leur nom des eaux d'où elles prennent leur cours, c'est ce que montre l'hymne à Apollon, où il est dit :

Pour toi les sources des eaux spirituelles

Coulent perpétuellement dans les antres,

Nourries par le souffle de la terre, pour les Oracles,

Divins de la Muse; et sur la terre

Coulant de tous côtés

Elles offrent aux mortels de leurs douces eaux

Les continuelles effusions.

S'inspirant, il me semble, de ces croyances, les Pythagoriciens et après eux Platon, appelèrent le monde un antre et une caverne. Dans Empédocle les puissances conductrices des âmes disent :

Nous sommes arrivés dans l'antre caché.

Et dans Platon au livre VII de la République il est dit: « Voici les hommes comme dans un souterrain et dans une demeure pareille à une caverne, avec une entrée largement ouverte du côté de la lumière dans toute la caverne ». Alors l'interlocuteur disait : « Tu te sers d'une comparaison absurde ». L'autre ajoute : « il faut donc, mon cher Glaucus, que je l'accommode de tous points à ce que nous avons dit auparavant. La demeure que nous avons sous les yeux ressemble à une prison et le feu qui y brille a la puissance du soleil. »

[9] Cela prouve que les théologiens ont pris les antres pour symbole du monde et des forces qu'il renferme, mais, j’en ai fait la remarque, ils les ont pris aussi pour symbole de l'essence intelligible pour diverses raisons qui ne sont pas les mêmes; car les antres figurent le monde sensible, parce qu'ils sont obscurs, rocheux et humides et que le monde, à cause de la matière dont il est composé, est réfractaire à la détermination et fluide. Mais ils symbolisent aussi le monde intelligible parce que l'essence est invisible, permanente et fixe. Pareillement, les forces particulières sont obscures pour les sens, surtout lorsqu'elles sont unies à la matière. Car c'est en considérant qu'ils sont naturels, sombres comme la nuit et creusés dans la pierre, que l’on a fait des antres des symboles, et point du tout en considération de leur forme ainsi que le croyaient certains ; tous les antres en effet ne sont pas sphériques comme l'antre d'Homère avec ses deux portes.

[10] L'autre étant double ne représentait pas seulement l'essence intelligible, mais encore la nature sensible; et celui dont il est question maintenant, parce qu'il contient des eaux intarissables, ne symbolise pas l'essence intelligible mais l’essence unie à la matière. Pour cette raison il n'est pas consacré aux Nymphes Orestiades (des montagnes), ni aux Nymphes Acréennes (des sommets), mais aux Naïades qui tirent leur nom des sources. Nous nommons proprement Naïades, les Nymphes qui président aux forces des eaux, mais on appelait de ce nom toutes les âmes qui descendaient dans la génération. On pensait en effet que les âmes se tiennent auprès de l'eau visitée par le souffle divin; c'est ce que dit Numénius expliquant ainsi la parole du prophète : « L'esprit de Dieu était porté sur les eaux ». Pour cette raison aussi les Égyptiens ne plaçaient pas tous les daimones sur un élément solide et stable, mais ils les situaient tous sur un navire, même le soleil et tous ceux en un mot qui doivent assister au vol, sur l'élément humide, des âmes qui descendent dans la génération. De là la parole d'Héraclite : « Ce n'est pas mourir pour les âmes de devenir humides, c’est un bonheur, c'est un bonheur pour elles de tomber dans la génération ». Et ailleurs il dit encore : « Vivre pour elles c'est mourir et ce que nous appelons la mort c'est pour elles la vie. » Aussi le poète appelle-t-il διερούς c'est-à-dire trais, les hommes qui vivent dans le monde de la génération parce qu'ils ont des âmes humides. En effet ces âmes aiment le sang et la semence humaine et l'eau sert d'aliment aux plantes.

[11] Certains affirment que les habitants de l'air et du ciel se nourrissent des vapeurs émanées des sources et des fleuves, ainsi que d'autres exhalaisons. Les philosophes du Portique ont cru que le soleil tirait sa nourriture des exhalaisons de la mer ; la lune, des vapeurs des sources et des fleuves et les astres de celles de la terre. Ainsi le soleil, la lune et les étoiles seraient des flambeaux spirituels issus de la mer, des eaux des fleuves et de la terre. Nécessairement donc, les âmes sont ou corporelles ou incorporelles et elles attirent les corps ; et surtout celles qui doivent être unies au sang et à un corps humide ont du penchant pour le principe humide et s'incarnent chargées d'humidité. C'est pourquoi on évoque les âmes des morts avec des libations de bile et de sang et aussi que les âmes amies du corps attirant à elles le souffle humide le condensent comme un nuage. Car l'eau condensée en vapeur produit un nuage, et le souffle se condensant dans les âmes par l'excessive abondance d'humidité, ces âmes deviennent visibles. De ce nombre sont celles dont le souffle est souillé et qui apparaissent aux hommes sons la forme de spectres. Mais les âmes pures se détournent de la génération. Aussi Héraclite : « L'âme sèche est la plus sage. » C'est pour cela aussi que le désir du coït rend le souffle mouillé et plus humide parce que l'âme qui incline à la génération attire la vapeur humide.

[12] Les Naïades sont donc les âmes qui se portent vers la génération. Aussi, a-t-on coutume d'appeler : Nymphes les jeunes filles qui se marient, parce qu'elles s'unissent en vue de la génération, et de les baigner avec l'eau des fontaines, des ruisseaux et des sources qui ne tarissent pas. D'ailleurs pour les âmes parvenues à la perfection de leur nature et pour les daimones générateurs, le monde est sacré et agréable, bien que naturellement obscur et ténébreux ; ce qui a fait croire que ces âmes étaient aériennes et tiraient de l'air leur substance Ainsi le sanctuaire qui devait leur convenir sur la terre c'était bien un antre agréable et obscur à l'image du monde, où comme dans un grand temple se tiennent les âmes. Aux Nymphes qui président aux eaux convient aussi un antre où coulent des eaux continuelles.

[13] Il faut donc attribuer l'antre dont il est question aux âmes et, parmi les puissances plus particulières aux Nymphes. Celles-ci, parce qu'elles veillent sur les sources (νᾶμα) et les fontaines (πηγὴ), sont appelées Pégées et Naïades. Quels symboles divers avons-nous donc qui conviennent les uns aux âmes, les autres aux puissances des eaux, pour penser que l'antre est consacré à la fois aux âmes et aux Nymphes ? Assurément les cratères et les amphores symbolisent les Nymphes Hydriades. Car les amphores et les cratères étant faits d'argile, c'est-à-dire de terre cuite, sont les symboles de Bacchus ; en effet, ils conviennent au présent du dieu de la vigne, puisque le fruit de la vigne est mûri par le feu du Ciel.

[14] Mais les cratères et les amphores de pierre conviennent parfaitement aux Nymphes qui président aux eaux jaillies de la pierre. Quel symbole conviendrait mieux que les métiers aux âmes qui descendent dans la génération et la production des corps ? Voilà pourquoi le poète a osé dire que sur ces métiers les Nymphes :

Tissent des toiles teintes de pourpre admirable à voir.

Car c'est dans les os et autour des os que se forme la chair. Ils sont la pierre du corps des animaux à cause de leur extrême ressemblance avec la pierre. C'est pour cette raison qu'il est dit que les métiers sont faits de pierre et non d'une autre matière. Les toiles de pourpre seraient par contre la chair faite de sang. Car les toisons de pourpre et la laine sont teintes avec le sang des animaux et la chair vient du sang et se fait avec lui. Et le corps est le vêtement de l'âme : spectacle merveilleux, soit qu'on en considère la composition ou l'union avec l'âme. Ainsi Proserpine qui veille sur tout ce qui naît d'une semence est représentée par Orphée tissant de la toile et les anciens comparaient le ciel à un péplos parce qu'il enveloppe les dieux célestes.

[15] Mais pourquoi les amphores sont-elles pleines non d'eau mais de miel? Car dit Homère,

Les abeilles construisent leurs rayons

Τιθαιβώσσειν, c'est manifestement τιθέναι et τὴν βόσιν, ce qui veut dire déposer la nourriture; or les abeilles mangent et boivent du miel. Les théologiens se sont servis du miel pour un grand nombre de symboles divers. Le miel en effet possède des propriétés nombreuses ; il purifie et conserve, grâce à lui beaucoup de choses restent incorruptibles et des blessures anciennes sont guéries par lui, il est doux à goûter et fait des fleurs par les abeilles qui naissent parfois des bœufs. Aussi en versant sur les mains de ceux que l'on initie aux mystères léontiques, afin de les laver, du miel au lieu d'eau, on leur prescrit de garder leurs mains pures de toute action fâcheuse, malfaisante et infâme, et parce que le feu purifie, on offre aux mystes ces effusions spéciales, l'eau étant écartée comme contrariant l'action du feu. Bien plus le miel purifie la langue de toute erreur.

[16] Mais en offrant du miel au Perse gardien des récoltes on symbolise sa fonction de gardien. C'est pour cette raison que certains ont pris pour du miel le nectar et l'ambroisie que le poète fait couler goutte à goutte dans les narines des morts pour empêcher la décomposition. Car le miel est la nourriture des dieux. C'est pour cela encore qu'il appelle quelque part le nectar roux, sa couleur en effet est pareille à celle du miel. Mais nous examinerons ailleurs de plus près s'il faut entendre le miel dans le sens de nectar. Au reste, dans Orphée, Jupiter tend un piège à Saturne au moyen du miel : celui-ci gorgé de miel est pris d'ivresse et de vertige comme s'il avait bu du vin et s'endort ainsi que dans Platon, Poros après qu'il s'est gorgé de nectar. Car chez Orphée la nuit dit à Jupiter pour lui conseiller la ruse à l'aide du miel :

Quand tu le verras sous les chênes à la cime chevelue

Ivre des œuvres des abeilles au bourdonnement sonore

Enchaîne-le,

Telle est l'aventure de Saturne : il est lié et châtré comme Uranus. Le poète théologien fait entendre par là que la volupté enchaîne les puissances divines et les fait tomber dans la génération et que celles-ci énervées perdent dans le plaisir une partie de leurs forces. Ainsi lorsque Uranus poussé par le désir du coït descend sur la terre il est châtré par Saturne. Pour les théologiens la douceur du miel qui allèche Saturne et le fait châtrer n'est pas autre chose que le plaisir du coït. Car Saturne le premier de ceux qui s'opposèrent à Uranus est aussi une sphère céleste ; et certaines forces descendent du ciel et des planètes ; mais Saturne recueille celles qui viennent du ciel et Jupiter celles qui viennent des planètes.

[17] Le miel passant pour purifier, préserver de la corruption naturelle et exciter à la génération par l'attrait du plaisir est pris à juste titre pour symbole des Nymphes Hydriades parce que les eaux auxquelles président celles-ci sont incorruptibles, purificatrices et qu'elles aident à la génération. Car l'eau aide à la génération. Pour cette raison les abeilles construisent leurs rayons dans des cratères et des amphores. Les cratères symbolisent les sources (ainsi auprès de Mithra est placé un cratère en guise de source) et les amphores figurent les vases avec lesquels nous puisons l'eau des sources.

[18] Les sources et les fontaines conviennent aux Nymphes Hydriades et particulièrement aux âmes nymphes que les anciens appelaient proprement abeilles parce qu'elles sont ouvrières de plaisir. Aussi Sophocle a-t-il dit des âmes sans inexactitude:

L’essaim des morts bourdonne et monte.

Les anciens donnaient encore le nom d'abeilles aux prêtresses de Cérès en tant qu'elles étaient chargées d'initier aux mystères de la déesse souterraine et ils disaient Koré douce comme le miel. Ils appelaient aussi abeille la lune qui préside à la génération et d'un autre nom taureau ; car le signe du Taureau est le point d'exaltation de la lune ; et comme les abeilles naissent des bœufs, on nomme Née des bœufs les âmes qui vont vers la génération et Voleur de bœufs le dieu qui connaît les secrets de la génération.

On a fait aussi du miel le symbole de la mort (c'est pour cela qu'on offrait des libations de miel aux dieux souterrains) et du fiel le symbole de la vie, soit que l’on voulût signifier que la vie de l’âme périt par la volupté et renaît par l'amertume (de là vient qu'on offrait du fiel aux dieux), soit que l’on voulût faire entendre que la mort délivre de la douleur et que cette vie est pénible et amère.

[19] Cependant on n'appelait pas indistinctement abeilles toutes les âmes qui vont vers la génération, mais celles-là seules qui devaient vivre selon la justice et retourner ensuite à leur lieu d'origine ayant accompli des œuvres agréables aux dieux. Car cet animal (l'abeille) aime à revenir à son point de départ et surtout il est juste et sobre : aussi appelle-t-on sobres les libations de miel. De plus les abeilles ne se posent pas sur les fèves ; celles-ci étaient regardées comme symbole de la génération rectiligne et rigide parce que presque seules de tout ce qui se sème, elles sont entièrement trouées et non interceptées par des membranes disposées entre les nœuds. Donc les rayons de miel et les abeilles étaient les symboles propres et communs aux Nymphes Hydriades et aux âmes qui, pareilles aux nouvelles mariées, ont pour but la génération.

[20] Ainsi dans les temps très anciens avant l’invention des temples on consacrait aux dieux les antres et les cavernes. Jupiter en avait en Crète que les Curetés lui consacrèrent, la Lune et Pan Lycien en Arcadie, Bacchus à Nasos, et partout où l’on reconnaissait Mithra on se le conciliait en lui dédiant une caverne. Homère ne s'est pas contenté de dire que la grotte d'Ithaque avait deux portes, mais il a précisé que l’une était tournée du côté du nord et l'autre plus divine du côté du midi et que l’on pensait descendre par la porte du nord ; mais il n'a pas indiqué si l’on pouvait descendre par la porte du midi, il dit seulement que

par celle-là

Les hommes n'entrent pas mais c'est la route des immortels.

[21] Il nous faut donc maintenant rechercher ou le dessein de ceux qui consacrèrent l'antre si le poète décrit un lieu réel ou la signification mystérieuse du récit d'Homère si ce récit est imaginaire. L'antre était considéré comme l'image et le symbole du monde. Numénius et son ami Cronius disent qu'il y a dans le ciel deux points extrêmes, l'un dans la partie du ciel la plus méridionale est au tropique d'hiver; l'autre dans la partie la plus septentrionale est au tropique d'été. Le point estival est sur le signe du Cancer, le point hivernal sur le signe du Capricorne et comme le signe du Cancer est pour nous le signe le plus rapproché de la terre, on l'attribue avec raison à la lune, qui est la plus voisine de la terre, tandis que le pôle méridional étant invisible, on attribue le Capricorne à Saturne la plus éloignée et la plus haute des planètes.

[22] Les signes du Zodiaque du Cancer au Capricorne sont disposés dans cet ordre : d'abord le Lion, séjour du Soleil ; puis la Vierge, séjour de Mercure ; la Balance, séjour de Vénus ; le Scorpion, séjour de Mars ; le Sagittaire, séjour de Jupiter ; le Capricorne, séjour de Saturne, et dans l’ordre inverse à partir du Capricorne, le Verseau, séjour de Saturne ; les Poissons, séjour de Jupiter ; le Bélier, séjour de Mars ; le Taureau, séjour de Vénus ; les Gémeaux, séjour de Mercure et enfin le Cancer séjour de la lune. Aussi les théologiens établissent-ils que le Cancer et le Capricorne étaient les deux portes du Ciel. Platon les appelait les deux ouvertures. On dit que le Cancer est la porte par laquelle descendent les âmes et le Capricorne celle par laquelle elles remontent. Le Cancer est au nord et favorable à la descente, le Capricorne au midi et favorable à l'ascension, car les régions septentrionales conviennent aux âmes qui descendent dans la génération.

[23] C'est à juste titre que dans le récit d'Homère l'ouverture de l'antre située au nord est assignée à la descente des hommes et que les régions ; du midi sont attribuées non aux dieux, mais à ceux qui montent vers les dieux. Pour cette raison le poète ne dit pas : le chemin des dieux, mais des immortels, expression qui convient aussi aux âmes qui par elles-mêmes ou par essence sont immortelles. On dit que Parménide dans sa physique faisait mention de ces deux portes et que la mémoire en subsiste chez les Romains et chez les Égyptiens. Car les Romains, à l'époque où le soleil s'approche du Capricorne célèbrent des Saturnales : c'est la fête des esclaves qui revêtent les habits des hommes libres, tout devenant commun aux uns et aux autres. Le législateur a voulu faire entendre par là que près de cette porte du ciel ceux qui maintenant sont esclaves par leur naissance sont libérés par la fête de Saturne et la demeure attribuée à Saturne, qu'ils ressuscitent et reviennent à la source de la génération. Puis la route qui part du Capricorne les ramène à leur première condition. Les Romains nommant la porte ; Janua ont appelé Januarius c'est-à-dire mois de la porte le mois où le soleil revient du Capricorne du côté de l'est, se dirigeant vers les régions du nord.

[24] Chez les Égyptiens le signe sous lequel commence Tannée n'est pas le Verseau, mais le Cancer. Car près du Cancer, est l'étoile Sothis que les Grecs appellent l'étoile du Chien. Pour les Égyptiens le premier jour du mois est marqué par le lever de Sothis qui est le principe de la génération dans le monde. C'est pourquoi Homère n'a pas établi de porte au levant et au coachant ni aux équinoxes, c'est-à-dire au Bélier et à la Balance, mais bien au midi et au nord et vers le midi, aux ouvertures les plus méridionales, et aux plus septentrionales vers le nord ; car cet antre était consacré aux âmes et aux Nymphes Hydriades et ces lieux conviennent à la naissance et à la mort des âmes. Quant à Mithra on lui a assigné sa place près des équinoxes ; aussi tient-il le glaive du Bélier, signe de Mars et est-il porté sur le Taureau,signe de Vénus ; en effet, comme le Taureau Mithra est l'auteur du monde et le maître de la génération. Il est situé sur le cercle de l'équinoxe, il a à droite les régions septentrionales, à gauche les régions méridionales, l'hémisphère austral s'étendant jusqu'à lui du côté du Notas, parce que ce vent est chaud et l'hémisphère boréal du côté de Borée, parce que le Borée est froid.

[25] C'est avec raison que l’on attribuait les vents aux âmes qui vont vers la génération et qui en reviennent car les âmes, à ce que certains croient, attirent le souffle et de la sorte possèdent une essence spirituelle. Mais le Borée est le vent des âmes qui vont vers la génération, c'est pourquoi son souffle violent ranime les moribonds qui respirent avec peine et le souffle du Notus les affaiblit. En effet, l'un resserre, étant très froid, et maintient dans le froid de la génération terrestre et l'autre étant très chaud, dissout et ramène à la chaleur divine. Comme la terre que nous habitons est très septentrionale, nécessairement les âmes qui y naissent ont du rapport avec le Borée et celles qui la quittent avec le Notus. C'est aussi pour cette raison que le Borée est violent quand il commence de souffler et le Notus quand il va se calmer. Car le premier atteint directement les habitants du nord ; mais le second est très lointain ; soufflant de loin il est ainsi plus lent ; mais quand il a accumulé ses tourbillons il augmente enfin.

[26] Parce que c'est par la porte du nord que les âmes s'en vont vers la génération, on a cru que le Borée était amoureux. En effet on a dit :

Métamorphosé en cheval à la crinière noire il coucha avec elles

Et fécondées elles enfantèrent douze poulains.

Et on rapporte qu'il enlève Orytie et engendre Zétis et Calais, Mais parce que le midi est attribué aux dieux, on tire au milieu du jour les voiles dans les temples : on observe ainsi le précepte homérique selon lequel il n'est pas permis aux hommes d'entrer dans les temples quand le soleil incline au midi.

Mais c'est la route des immortels.

[27] On a donc pris le Notus pour symbole du milieu du jour car le dieu se trouve au milieu du jour à la porte du midi. C'est pourquoi même sur d'autres portes et à quelque heure que ce fût, il n'était pas permis de parler ; car un seuil est une chose sacrée. Et pour cette raison les pythagoriciens et les sages d'Égypte défendaient de parler en passant les portes des villes ou des maisons, honorant par le silence le dieu en qui est le principe de toutes choses. Homère a connu que les portes sont sacrées ; c'est ce que montre chez lui OEnée frappant la porte à la façon d'un suppliant.

Frappant les portes bien jointes, suppliant son fils.

Il a connu aussi les portes du ciel dont les Heures ont la garde et qui, commençant dans les régions nébuleuses, sont ouvertes et fermées par les nuées.

Soit qu'ils écartent ou qu'ils étendent un nuage épais.

Il dit qu'elles meuglent parce que le tonnerre est produit par les nuées.

D'elles-mêmes mugirent les portes du ciel gardées par les Heures

[28] Il parle aussi quelque part des portes du soleil, entendant par là le Cancer et le Capricorne ; car le soleil s'avance jusqu'à eux lorsqu'il descend du nord au midi et que de là il remonte vers le nord. Le Cancer et le Capricorne sont situés près de la Voie lactée dont ils occupent les extrémités. Le Cancer au nord et le Capricorne au midi. Selon Pythagore, le peuple des Songes n'est autre chose que les âmes qui se rassemblent, dit-il, dans la Voie lactée nommée ainsi parce que les âmes se nourrissent de lait, lorsqu'elles sont tombées dans la génération. C'est pourquoi, ceux qui veulent évoquer les âmes leur offrent en libations un mélange de lait et de miel ; car attirées par la volupté elles désirent aller vers la génération et, en même temps qu'elles sont enfantées, le lait se produit.

En outre, les régions méridionales produisent des corps de petite espèce; car la chaleur dessèche habituellement les corps et ainsi les rapetisse et les amaigrit; au contraire dans les régions septentrionales tous les corps sont grands. Les Celtes, les Thraces et les Scythes en sont la preuve. Leur terre aussi est très humide et abonde en pâturages. Le nom même de Borée vient de la nourriture, car bora signifie nourriture, et le vent qui souffle de cette terre nourricière, étant nutritif, a été appelé Borée.

[29] Pour ces motifs donc les régions boréales conviennent à la race mortelle et soumise à la génération, et celles du midi à la race plus divine, comme l'orient aux dieux et l'occident aux daimones. Car la nature commençant par l'hétérogénéité, partout ce qui est double lui a été donné pour symbole. Ainsi le voyage s'accomplit par le monde intelligible ou par le monde sensible, dans le monde sensible par le globe fixe ou par les globes des planètes et encore par la route immortelle ou la route mortelle. L'un des points cardinaux est au-dessus de la terre, l'autre au-dessous ; l'un à l'orient, l'autre à l'occident ; il y a la droite et il y a la gauche ; il y a aussi la nuit et le jour. Ainsi l'harmonie est faite d'oppositions et se réalise au moyen des contraires. Platon mentionne aussi deux ouvertures : par l'une on monte au ciel, par l'autre on descend sur la terre et les théologiens ont fait du soleil et de la lune les portes des âmes ; par la porte du soleil elles montent, par celles de la lune, elles descendent. Ce sont aussi les deux tonneaux.

L'un renferme les maux que donne Jupiter ; l’autre les biens,

[30] C'est un tonneau aussi qui dans le Gorgias de Platon figure l'âme et il y a une âme bienfaisante ou raisonnable, l'autre malfaisante ou déraisonnable. Les âmes sont comparées à des tonneaux parce qu'elles contiennent certaines puissances et certaines habitudes. Chez Hésiode encore on voit un tonneau clos et un autre qu'ouvre la volupté et tout son contenu se répand à l'exception de l'espérance. Lorsque l'âme, en effet, corrompue et dispersée dans la matière, s'écarte de son ordre, elle ne se repaît que de bonnes espérances.

[31] Puisque ce qui est double symbolise partout la nature, c'est à juste titre que l'antre a non pas une mais deux entrées, et qu'elles ne servent pas à la même fin, l’une étant réservée aux dieux et aux hommes de bien, l'autre aux mortels et aux méchants. C'est poussé par ces considérations que Platon lui aussi imagine des cratères et qu'au lieu d'amphores il met des tonneaux et deux ouvertures, comme nous l'avons dit, au lieu de deux portes. De son côté le Syrien Phérécyde parle de retraites, de trous, d'antres, de portes et d'entrées et par là signifie la génération des âmes et leur départ de la vie. Mais pour ne pas allonger davantage ce traité en y introduisant les opinions des anciens philosophes et des théologiens nous pensons avoir suffisamment expliqué par ce que nous avons dit la signification du récit d'Homère.

[32] Reste à montrer ce que veut dire le symbole de l'olivier qui croît près de l'antre. Il a certainement un sens notable, car le poète ne dit pas tout uniment qu'il pousse là, mais à la tête du port.

A la tête du port pousse un olivier aux longues feuilles ...

Tout à côté il y a un antre ...

Ce n'est point par quelque hasard, comme on le pourrait penser, que cet olivier croit ici ; mais il renferme la signification mystérieuse de l'antre. Le monde en effet n'est point né au hasard et n'importe comment, mais il est l'œuvre de la sagesse divine et de la nature intelligente. C'est pour cela que près de l'antre, image du monde, est planté l'olivier, symbole de la sagesse divine. Car l'olivier est l'arbre de Minerve et Minerve est la sagesse. Comme elle est née de la tête de Jupiter, le poète théologien a pensé que la tête du port était le lieu où il convenait de dédier l'olivier. Par là il fait entendre que cet univers n'est point le produit d'un mouvement aveugle né d'un hasard irrationnel, mais qu'il est l'œuvre achevée de la nature intelligente et d'une sagesse distincte de lui ; mais toute proche située qu'elle est à la tête du port universel.

[33] La propriété que possède l'olivier de rester toujours vert convient parfaitement aux changements en ce monde des âmes à qui sont consacrés les antres. Car en été la partie blanche des feuilles est en haut et en hiver elle se tourne en sens inverse, plus blanche encore. C'est pourquoi dans les prières et les supplications on tend des rameaux d'olivier : les suppliants augurent ainsi que l'obscurité des dangers se changera en une blanche lumière. En outre, l'olivier toujours vert porte un fruit secourable aux travaux. Il est consacré à Minerve et il fournit des couronnes pour les athlètes victorieux et des branches pour les suppliants. Le monde aussi est gouverné et conduit par la sagesse éternelle d'une nature intelligente et toujours jeune qui donne aux athlètes de la vie le prix de leur victoire et le remède contre leurs nombreuses peines. Ainsi celui qui a créé le monde et qui le conserve est aussi celui qui réconforte les malheureux et les suppliants.

[34] Dans cet antre, dit Homère, il faut se défaire de tous les biens du dehors, se dépouiller, prendre l'extérieur d'un mendiant, frapper son corps, rejeter tout le superflu, écarter môme les sens et alors délibérer avec Minerve, assis avec elle au pied de l'olivier, pour savoir comment retrancher toutes les passions qui tendent des pièges à l'âme. Ce n'est pas sans raison à mon avis que Numénius prétend que dans l’Odyssée, Homère représente par Ulysse l'homme qui passe par tous les degrés successifs de la génération et parvient ainsi chez des étrangers ignorants de la mer et de toute tempête.

Jusqu'à ce que tu sois arrivé chez des hommes qui ne connaissent pas la mer

Et mangent une nourriture non mêlée de sel

Chez Platon aussi, les flots, la mer et la tempête figurent la composition de la matière.

[35] Voilà pourquoi, je pense, Homère a donné au port le nom de Phorcys.

Là est un port, de Phorcys vieillard de la mer.

Au commencement de l’Odyssée, le poète a donné la généalogie de la fille de Phorcys, Thoosa, de qui est né le Cyclope qu'Ulysse priva d'un œil pour qu'il gardât jusque dans sa patrie quelque mémoire de ses fautes. En outre, il est convenable qu'Ulysse s'asseye sous l'olivier, comme suppliant du dieu et pour apaiser par l'offrande d'une branche le daimone qui préside à sa naissance ; car il ne lui était pas permis de se retirer simplement de la vie sensible après l'avoir aveuglée et ayant cherché à la détruire en un instant. Pour avoir osé de telles choses la colère des dieux de la mer et de la matière le poursuivait. Il lui fallait d'abord les apaiser par des sacrifices, des misères de mendiant et des oeuvres de patience, et tantôt combattre ces passions, tantôt par des ruses de magicien se métamorphoser entièrement pour tout recouvrer,après avoir été dépouillé de ses haillons. Mais même alors il n'est pas affranchi de ses misères, il ne le sera que le jour où, ayant échappé tout à fait à la mer, il sera devenu ignorant des choses marines et des travaux matériels au point de prendre une pelle à vanner pour une rame, tant sera complète son ignorance des instruments et des œuvres de la mer.

[36] On ne doit pas croire que de telles interprétations sont forcées et ne voir en elles qu'hypothèses d'esprits subtils; mais il faut considérer la sagesse antique, quelle était la raison d'Homère et comme il a excellé en toute vertu ; ainsi on ne niera pas qu'il a mystérieusement figuré dans une fable des choses divines ; car il ne pouvait pas imaginer avec succès une fiction complète sans emprunter à la vérité quelques traits. Mais remettons À plus tard de traiter le sujet tout entier et arrêtons ici l'interprétation de l'Antre des Nymphes.